Le sommeil et les pauses sont primordiales, afin de demeurer productif et en bonne santé. «On s’re’pause» est une série de 3 articles qui couvre les actions qu’une entreprise peut faire afin de favoriser les saines habitudes de vie en la matière.
Voir celui sur la sieste en milieu de travail et celui sur les pauses.
Ce premier article porte sur le sommeil et ses effets insoupçonnés sur la santé et le mieux-être des travailleurs.
14h41 – mardi PM
Une réunion qui n’en finit plus de finir. Des notes prises en diagonale, avec des lettres mal tracées.
Couchée tard, mal dormi : je récolte ce que je sème, ça a l’air… !
Je cogne des clous et c’est tellement pénible ! Le directeur parle, on dirait que je n’entends même pas ses mots… Disons que ce ne sera pas une rencontre qui restera dans les annales de la productivité.
Elle doit être presque finie, là ?
14h42 – nope… encore un bon bout à faire… hé misère !
Le sommeil : quelques chiffres
Selon Statistique Canada :
32 % de la population canadienne rapporte souffrir de troubles du sommeil;
36 % des Canadiens et des Canadiennes disent ne pas trouver le temps de dormir huit heures par nuit;
Les Canadiens et les Canadiennes qui sont mariés ou qui ont des enfants dorment moins que les personnes célibataires sans enfant;
50 % des Canadiens et des Canadiennes sont prêts à sacrifier des heures de sommeil lorsqu’ils sont trop occupés.
Au Canada, le fardeau économique individuel associé à l’insomnie est estimé à 5 010 $ par personne par an, près de 90 % de ce montant étant attribué à des coûts indirects, comme l’absentéisme au travail et la réduction de la productivité.
C’est quoi, une bonne nuit de sommeil ?
À sa plus simple expression, c’est de 7h à 9h de sommeil de qualité, composées de phases de sommeil léger, profond et paradoxal, et aussi de périodes d’éveil (j’ai appris grâce à ma Fitbit que j’en avais plus que je pensais…).
Ces phases de sommeil ont toutes leur usage spécifique, mais la phase la plus bénéfique pour le cerveau est le sommeil profond, car il permet d’absorber et de traiter les informations amassées durant la journée. C’est également à ce moment que le cerveau fait sa maintenance physique, nécessaire à sa bonne santé.
L’insomnie, ou les difficultés reliées au sommeil, sont plus fréquentes qu’on pense. Selon esantémentale.ca :
« Environ 30 % des adultes disent avoir du mal à s’endormir, à rester endormi ou à avoir un sommeil non réparateur. Environ 10 % de la population souffre de problèmes de sommeil si sérieux qu’elle éprouve des difficultés ou de la détresse pendant la journée.»
Vous avez dit «cycles circadiens» ?
C’est le cycle des périodes d’éveil et de sommeil, l’horloge biologique en somme. Il est réglé par la lumière du jour. Ce n’est un secret pour personne, l’être humain est programmé pour dormir la nuit et être éveillé le jour. Comme les cycles circadiens règlent notre niveau d’énergie ainsi que tout un tas de fonctions biologiques (cycle de sommeil, hormones, tension artérielle, etc.), dérégler ces cycles nous exposent à divers troubles et maladies, comme certains cancers ou troubles cardio-vasculaires.
Avis à vos oiseaux de nuits…
En fait, l’Organisation Mondiale de la Santé classe désormais toute forme de travail de nuit comme cancérigène probable, en raison du fort lien entre manque de sommeil et cancer.
Composante essentielle pour maintenir une bonne santé, le plaidoyer pour un sommeil réparateur n’est plus à faire.
Les effets du manque de sommeil
Le manque de sommeil peut avoir plusieurs effets, même immédiatement après une seule mauvaise nuit :
Réductions des habiletés d’apprentissage de près de 40%;
Diminution de l’attention et de la concentration
Ralentissement de la coordination main/ œil
Émotivité et irritabilité accrues
Diminution du système immunitaire, jusqu’à 70%
Plus d’appétit
Risques accrus d’accidents de travail et/ ou d’erreurs
À long terme :
Diminution de la performance et de la productivité
Diminution du système immunitaire, jusqu’à 70%
Risques accrus de maladies chroniques (troubles mentaux, maladies cardio-vasculaires, obésité, diabète, certains cancers)
Risques accrus de développer de la démence et de l’Alzheimer
Risque d’AVC multiplié par 4
Baisse de productivité au menu
Crédit image: Freepik
Le sommeil et les gestionnaires
Certaines études (ici) suggèrent également que lorsque les gestionnaires ne dorment pas assez, l’engagement des employés et la satisfaction diminuent également, avec les effets que l’on connait sur la performance de l’entreprise.
En effet, le manque de sommeil augmente les comportements abusifs, les sautes d’humeur, la prise de décisions précipitées et risquées, et réduisent l’empathie ressentie. Même leur capacité à inspirer et motiver leurs collaborateurs qui est affectée !
Hé ben !
Également, une étude en laboratoire (Williamson et Feyer, 2000) a comparé les effets d’une longue période d’éveil à ceux de l’alcool (alcoolémie) :
Entre 17 et 19 heures d’éveil consécutives : les capacités physiques et mentales sont comparables à celles d’une personne ayant un taux d’alcool dans le sang de 50 mg/100 ml (0,05);
Après 24 heures d’éveil consécutives : les capacités physiques et mentales sont comparables à celle d’une personne ayant un taux d’alcool dans le sang de 100 mg/100 ml (0,10).
Une autre illustration ? Lorsque nous passons à l’heure d’été (donc nous perdons une heure de sommeil, cette étude (ici) a révélé que le jour suivant, le taux d’infarctus augmente de 24%.
On passe à l’heure d’hiver, donc nous gagnons une heure de sommeil ? Le taux d’infarctus baisse de 21 %.
Ayoye !
Pour en savoir plus :
Facteurs de risques majeurs pour le sommeil
La mauvaise santé psychologique : l’un des premiers symptômes du stress chronique et de la détresse psychologique, c’est la perturbation du sommeil.
Les heures de travail irrégulières, car elles nuisent aux cycles circadiens
Les obligations personnelles : pensez proches aidants et parents de jeunes enfants…
(Source: Virgin Pulse)
Mais comme entreprise, que peut-on faire ?
Donnez l’exemple, toujours. Il est extrêmement dommageable pour toute entreprise voulant instaurer une culture de santé mieux-être qu’un haut dirigeant se glorifie en public de faire de longues heures de travail ou favorise le travail au détriment du sommeil. Rien de bon n’en ressortira à long terme.
Agissez sur les facteurs de stress en milieu de travail, afin d’améliorer la santé psychologique des employés.
Mettez en place un mécanisme permettant l’ajustement de la charge de travail en cas de surcharge. N’oubliez pas que 50% des canadiens sacrifieront des heures de sommeil au profit du travail.
Instaurez des mesures de conciliation travail-famille, afin d’aider vos employés à diminuer les conflits de rôle.
Si vous encouragez la flexibilité au travail, soyez vigilant sur le couteau à double tranchant qu’elle constitue. Le risque, c’est que travailler moins en journée puisse devenir synonyme de travailler tard le soir, ou même la nuit. Une fois ou même deux, y’a rien de criminel là-dedans, mais il ne faudra pas que ça devienne une habitude récurrente. Encadrez solidement vos mesures de travail flexibles.
Donnez à vos employés des informations issues de sources fiables sur la façon de favoriser le sommeil : pièce sombre et fraîche, moments calmes en soirée. Mentionnez notamment l’importance d’une certaine constance dans les heures de lever et de coucher : la régularité améliore la qualité et la quantité de sommeil.
Une politique de déconnexion est également un atout non négligeable. Les employés connectés sont deux fois plus susceptibles de dormir moins de 6 heures que les employés déconnectés.
De la même façon, les heures supplémentaires ne devraient pas être une constance.
Une saine réflexion sur les quarts de soir et de nuit est à faire : est-ce nécessaire ? Peut-on assurer que les individus ne les subissent pas des années durant ?
Faites la promotion et encouragez l’adoption de saines habitudes de vies en général. L’exercice pratiqué sur une base régulière favorise le sommeil de qualité, ainsi qu’une hydratation maximale. Si vos travailleurs sont exposés à des facteurs de risques accrus sur votre milieu de travail, comme des horaires atypiques ou des contraintes thermiques, une vigilance accrue est de mise.
Encouragez la réduction de la caféine et de l’alcool, qui n’induisent en rien un sommeil de qualité. Donc, fournir le café, c’est bien. Fournir une bouteille d’eau, comme Bain Magique, c’est mieux !
Favorisez la sieste en milieu de travail (nous y reviendrons dans le 2e article de cette série).
Que la lumière soit ! La lumière artificielle perturbe les cycles circadiens. Si vous en avez la chance, faites entrer la lumière naturelle le plus possible sur les lieux de travail, par l’installation de fenêtres, de cours intérieures et de puits de lumière. Pour les mêmes raisons, encouragez les pauses et les activités extérieures. Pour éviter que des employés soient confinés à ‘’ne jamais voir la lumière du jour’’, certaines entreprises vont favoriser une rotation des postes physiques de travail.
Mollo sur les écrans ! La lumière bleue émise par les écrans et les éclairages DELL perturbe les cycles circadiens. Selon une étude menée en 2017 par We Are Social et Hootsuite, la population canadienne passe quotidiennement plus de six heures sur Internet devant un écran d’ordinateur ou un mobile, et plus de deux heures devant un téléviseur. De plus en plus d’appareils offrent de passer à une lumière adaptée au moment requis. Sinon, on retrouve sur le marché des protecteurs oculaires.
Encouragez les employés souffrant de troubles de sommeil à aller chercher l’aide d’un professionnel de la santé, car un problème plus grave peut s’y dissimuler, comme l’apnée du sommeil.
Pour terminer, je veux vous encourager à ne jamais cautionner la réduction du sommeil au profit du travail. On peut y trouver des bénéfices immédiats, mais à long terme, ce n’est absolument pas un comportement qui servira le mieux-être mental, physique et émotif de votre équipe de travail.
Et en bout de ligne, c’est le mieux-être financier de l’entreprise qui en prendra pour son rhume.
Mon nom est Marie-Eve Champagne, je suis spécialiste en Santé Sécurité Mieux-Être au travail et j'aide les gens à mieux travailler depuis près de 15 ans.
Source et références
Fondation Sommeil, ‘‘Le cycle circadien’’, consulté le 17 janvier 2020: https://fondationsommeil.com/le-cycle-circadien/
International Agency for Research on Cancer. Volume 124: night shift work. IARC Working Group. Lyon, France; June 4–11, 2019. IARC Monogr Eval Carcinog Risk Chem Hum (in press).)
Statistique Canada, no 82-003-X au catalogue ‘‘Rapports sur la santé’’, vol. 29, no 12, p. 17 à 22, décembre 2018, Prévalence de l’insomnie chez les Canadiens âgés de 6 à 79 ans, Santé en bref
Statistique Canada - Santé en bref, Durée et qualité du sommeil chez les Canadiens âgés de 18 à 79 ans, Rapports sur la santé, vol. 28, no 9, p. 30 à 35, septembre 2017 , no 82-003-X au catalogue
Boivin, Diane, M.D., Ph.D, ‘‘Les rythmes circadiens: qu’est-ce que c’est ?’’, Institut Douglas, consulté le 17 janvier 2020, http://www.douglas.qc.ca/info/rythmes-circadiens-qu-est-ce-que-c-est
Carrington, Krystel, ‘‘ 9 sleep hacks used by a mantra psychaitrist’’, Thrive global, 26 novembre 2019, https://thriveglobal.com/stories/9-sleep-hacks-used-by-a-mantra-psychiatrist/?utm_content=bufferc2685&utm_medium=Thrive&utm_source=LinkedIn&utm_campaign=Buffer
ESantéMentale.ca, ‘‘L’insomnie et les problèmes de sommeil’’ Consulté le 3 janvier 2020: https://www.esantementale.ca/Canada/Les-problemes-de-sommeil/index.php?m=article&ID=8918
Groupe Santé Biron, ‘‘Les troubles du sommeil’’, consulté le 3 janvier 2020, https://www.biron.com/fr/centre-du-savoir/petit-guide-biron/troubles-du-sommeil/
Association des optométristes du Québec, ‘‘La lumière bleue’’, Consulté le 4 janvier 2020, https://www.aoqnet.qc.ca/votre-vision-et-vos-yeux/protection-des-yeux/lumiere-bleue/
Barnes, Christopher M., ‘‘Sleep well, lead better’’, Harvard Business Review, Septembre-October 2018 Issue, https://hbr.org/2018/09/sleep-well-lead-better?
Sandhu A, Seth M, Gurm HS. Daylight savings time and myocardial infarction. Open Heart 2014;1:e000019. doi:10.11
International Agency for Research on Cancer. Volume 124: night shift work. IARC Working Group. Lyon, France; June 4–11, 2019. IARC Monogr Eval Carcinog Risk Chem Hum (in press).
‘‘Prendre connaissance des problèmes de sommeil - mieux sensibiliser les entreprises à ce problème critique’’, Virgin Pulse, 2016, 6p.
Harvard Medical School. Insomnia Costing U.S. Workforce $63.2 Billion a Year, Researchers Estimate. Harvard Medical School. 2011.
Société d’assurance automobile du Québec ‘‘ La fatigue: le saviez-vous’’, consulté le 3 janvier 2020: https://saaq.gouv.qc.ca/securite-routiere/comportements/fatigue/saviez-vous/