Dormir su'a job

Le sommeil et les pauses sont primordiales, afin de demeurer productif et en bonne santé. «On s’re’pause» est une série de 3 articles qui couvre les actions qu’une entreprise peut faire afin de favoriser les saines habitudes de vie en la matière.

Voir celui sur le sommeil et celui sur les pauses.

Ce deuxième article porte sur les différentes façons de favoriser la sieste en milieu de travail.


Un fait divers qui marque les esprits : un employé qui s’était réfugié dans une cachette de son milieu de travail y avait été retrouvé mort, dix ans plus tard.

Plus communs qu’on pense sur les milieux de travail, ce genre d’endroits clandestins, qui peuvent notamment servir à faire des siestes à la sauvette, comportent leur lot de dangers.

Ce qui nous mène à l’épineuse question des siestes en milieux de travail !

Pour certains quarts de métiers, ce n’est pas un luxe mais une nécessité, comme les infirmières, les médecins, les sages-femmes et autres membres du personnel médical, comme ceux qui travaillent sur de longs quarts, de soir ou de nuit, ou alors comme les camionneurs.

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Les siestes sont généralement alors faites lors des pauses et des périodes repas, dans les salles de repas ou dans un endroit calme.

Les effets néfastes du manque de sommeil sur la santé, la productivité et le mieux-être général des employés sont bien réels et bien documentés, à voir dans le premier article de la série ‘‘Booster le mieux-être de vos employés grâce au sommeil’’.

Les exagérations

Les problèmes avec les siestes se résument essentiellement à deux choses : le vol de temps et faire la sieste dans un endroit non sécuritaire (comme cet employé qui avait fait son « nid » derrière une palette dans l’entrepôt… Ou encore, cet autre individu qui s’était installé chaise, table et menus objets dans une salle électrique).

Bien entendu, nous les cherchions bien au-delà des pauses allouées.

Heureusement, ils demeurent des cas isolés! Et un bon encadrement peut régler plusieurs situations à risque de dégénérer.

Oui, mais je les paie pour travailler pas pour dormir…

Tout à fait !

Mais qui n’a pas jamais connu une mauvaise de nuit ? Un enfant malade, une situation malheureuse, un souci, un imprévu, un départ matinal hâtif, etc.

La science démontre qu’il y a énormément de bienfaits à la sieste, autant physiquement que professionnellement.

En permettant de recharger les batteries, elle augmente le niveau d’énergie, la productivité, la concentration, les aptitudes cognitives et motrices. Elle permet aussi de réduire le stress ainsi que le risque de maladies cardiaques.

Même si seulement 8 minutes de sieste peuvent augmenter sensiblement la mémoire et la performance au travail, les experts recommandent entre 20 à 30 minutes de sommeil de qualité, comme durée optimale.

Bienvenue dans le monde de la sieste professionnelle !

Commune lors des shifts, elle l’est moins en milieu plus «bureau».

Par ma part, je suis une spécialiste de la sieste au travail ! Mon moment préféré pour siester, c’est l’heure du midi. Si j’ai la chance d’avoir un bureau fermé, j’adore m’enrouler dans mon manteau, foulard sur les yeux. Je mets mon alarme et hop ! On se revoit dans une demi-heure !

Et comme j’aime aussi beaucoup les applications pratiques, je suis donc partie à la recherche de «siesteux». J’en ai trouvé trois, dont Ineat. Spécialisée dans la conception et la mise en œuvre de solutions digitales, Ineat est une entreprise montréalaise qui a à cœur la santé, la qualité de vie et le mieux-être de ses employés. Tellement que leur co-fondateur Yves Delnatte a obtenu la certification Bon Boss cet été. Tellement qu’en juin dernier, ils ont fait la surprise à leurs employés d’installer une cabine RecharjMe sur les lieux de travail.

Une quoi ?

La cabine RecharjME est une cabine insonorisée et assombrie, qu’on peut installer en 2 heures sur un milieu de travail. On peut la louer ou l’acheter, m’informe Thimothée Régnier, directeur du développement des affaires chez RecharjMe. Elle comporte un fauteuil confortable permettant de s’allonger, une tablette avec une application de méditation et des écouteurs assourdissants.

Ineat en a installé une en juin dernier, à l’occasion de leur Semaine sur le Bien-être. Marijane Moreau Peterson, CRHA, Chief Happiness officer chez Ineat, en a discuté avec moi. Ils avaient déjà des salles de détente et d’amusement. Les gens les utilisaient déjà pour faire des siestes parfois, mais c’était dur de recharger des batteries si quelqu’un utilisait la table de ping-pong.

« Pour nous, ça allait de soi. Les employés l’apprécient beaucoup. L’utilisation était timide au début. Les usages sont variés. Nous avons un employé qui arrive tôt le matin et s’en sert pour faire sa séance de méditation. Sinon, l’utilisation maximale est autour du midi et au début de l’après-midi. Les employés réservent via l’application. À date, les commentaires sont excellents et les employés qui l’utilisent sont très satisfaits. »

Elle n’est pas utilisée 100% du temps, mais à chaque jour.

Nikolaj Van Omme, de Funartech, permet aussi la sieste dans sa start-up. Pour lui, c’est une évidence qui s’inscrit dans sa logique de gestion par résultat et de flexibilité. « Nous faisons confiance à nos employés. Ce que nous remarquons, c’est que les employés vont surtout s’accorder de rentrer plus tard le matin ou quitter plus tôt, lorsque la productivité n’est pas au rendez-vous. Mais quand ils sont là, ils se donnent à 110% »

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Au siège social de Rio Tinto, une salle munie d’un sofa inclinable est mise à la disposition des employés, spécifiquement afin qu’ils puissent faire une sieste si le besoin est, comme par exemple suite au changement d’heure. De plus, certains employés doivent travailler de concert avec des employés ailleurs dans le monde, donc parfois des appels sont requis très tôt ou très tard. La salle leur permet de récupérer. Morad Abbas m’explique qu’on peut la réserver suivant le même principe qu’une salle de conférence, sous l’appellation «Nap Room » dans Outlook.

On poursuit la réflexion ?

Employeur, comment favoriser la sieste au travail ?

  • Offrir un endroit sécuritaire sur les lieux de travail (parce que l’entrepôt, c’est non…!). Pour vos gens sur la route, vous pouvez fournir une liste d’endroits sécuritaires, comme des aires de repos possibles sur la route, salons des camionneurs ou autre.

  • Indiquez clairement qu’il s’agit d’un endroit attitré aux siestes (si possible, en retrait de la circulation et dotez-le de lumières tamisables et mobilier confortable)

  • Rendez la chose officielle, avec des politiques « officiellement officielles » et expliquez le fonctionnement. Votre projet aura un meilleur taux de succès. Encore mieux : donnez l’exemple !

  • Pourquoi ne pas l’indiquer dans vos règles de vie au travail ? « Ici, si vous en avez besoin, on encourage la sieste lors de vos pauses ! ».

  • Donnez de l’information à vos employés sur ce qu’est une bonne sieste ainsi que sur l’utilisation des équipements mis à leur disposition chez vous.

  • Les forfaits Sieste dans les hôtels, pas juste pour les individus louches... Sur la route, utilisez une application comme «Day use» ou «Hotel by day» qui permet de réserver une chambre d’hôtel pour quelques heures, de 79$ à 149$, pour 4h à 6 h.

  • Les bars à sieste de certaines grandes villes ont la cote avec les voyageurs.

  • Pour une option simple et québécoise, optez pour la cabine RecharjMe.

  • Installez du mobilier qui favorise la détente: fauteuils inclinables, matelas déroulants ou comme par exemple «Jacques», de la Siestoune, un meuble discret conçu pour la sieste ou des cocons à sieste Nap and Up (seulement en Europe)

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Préparer sa sieste

  • Avisez vos collègues et votre patron : pour diminuer les surprises, les imprévus et le stress;

  • Limitez le temps. Une sieste idéale, c’est 20-30 minutes, pas deux heures, sous peine d’en ressortir plus amoché qu’énergisé. De plus, de trop longues siestes peuvent nuire à votre nuit de sommeil…d’où vous ressortirez plus fatigué. On tourne en rond, donc;

  • Choisissez idéalement le début de l’après-midi, pour profiter de ses bienfaits au maximum et éviter de vous retrouver insomniaque à votre heure habituelle de coucher;

  • Mettez-vous une alarme et allouez-vous quelques minutes pour vous décoller les yeux (traduction : ne vous placez pas une rencontre à 13h si vous prévoyez roupiller de 12h30 à 12h59!);

  • Mettez votre téléphone (fixe ou portable) en mode « Ne pas déranger »;

  • La température du corps descend lors des périodes de repos : une couverture ou des bas chauds se rangent bien dans un casier ou un tiroir de bureau;

  • Si vous les tolérez, une paire de bouchons aideraient également. Sinon, vous pouvez mettre un bruit blanc ou de la musique relaxante pour atténuer les bruits autour de vous.

  • Et un oreiller portatif ? De l’oreiller d’avion au spectaculaire « Ostrich Pillow », plusieurs options s’offrent à cou euh…à vous !

Choisir la santé et la qualité de vie au travail

Les bienfaits de la sieste ne sont donc plus à démontrer !

Arianna Huffington de Thrive Global indique même que dans un futur pas si lointain, les salles de sieste seront aussi courantes que les salles de conférences dans les entreprises.

Parce que mettre le mieux-être au cœur des décisions d’entreprises, ça paie !

 

Mon nom est Marie-Eve Champagne, je suis spécialiste en Santé Sécurité Mieux-Être au travail et j'aide les gens à mieux travailler depuis près de 15 ans.

Références :

SHORTSLEEVES, Cathy, «Power nap: your guide to getting more shut-eye», 1er avril 2019, Thrive Global, page URL consultée le 11 novembre 2019: https://thriveglobal.com/stories/power-naps-sleep-tips/

FREJ, Willa, «Arianna: office nap rooms will soon be as common as conferences rooms», Mis à jour le 6 avril 2016, Huffigton Post, page URL consultée le 4 janvier 2020: https://www.huffingtonpost.ca/entry/arianna-huffington-office-nap-rooms-conference-rooms_n_57025cbfe4b0a06d58060ff1

LAHL, O., WISPEL C., WILLIGEN, B., PIETROWSKY, R. «An ultra short episode of sleep is sufficient to promote declarative memory performance», Institute of Experimental Psychology, University of Dũsseldorf, publiée dans le Journal of Sleep Research, 11 février 2008, p.3-10.