Un des changements amenés par le projet de Loi adopté le 30 septembre dernier qui modifie le régime actuel en santé et sécurité au travail, c’est que les employeurs devront dorénavant se préoccuper davantage des risques psychosociaux.
Ça mange quoi en hiver ? Je vous ai préparé un bref tour de piste, en vous expliquant ce que c’est, les bénéfices à prévoir quand on s’en occupe ainsi que quelques clés d’actions.
Suivez le guide !
Premièrement, définition :
L’INSPQ définit les risques psychosociaux ainsi :
Facteurs qui sont liés à l’organisation du travail, aux pratiques de gestion, aux conditions de travail et aux relations sociales et qui augmentent la probabilité d’engendrer des effets néfastes sur la santé physique et psychologique des personnes exposées. (INSPQ, 2016)
Mais précisément, quels sont-ils ? Toujours selon l’INSPQ :
Faible latitude décisionnelle
Surcharge de travail
Manque de reconnaissance
Manque de soutien des collègues et/ou du gestionnaire
Présence de harcèlement psychologique
Traduction : la manière dont vos gestionnaires gèrent, vos conditions de travail, l’organisation du travail, votre façon d’agir (ou l’absence de) sur la charge de travail et les relations interpersonnelles qui prévalent dans votre milieu de travail ont une incidence sur le stress ressenti par vos employés et/ou les moyens à leur portée pour dealer avec ce stress.
À court, moyen ou long terme, toute cette soupe peut causer du stress chronique, de la détresse psychologique ainsi que des lésions physiques et/ou psychologiques à vos employés.
Là, on parle du stress lié au travail. Oui, il y a le stress hors travail, comme celui lié à la situation familiale ou la situation financière… mais si vous creusez le sujet auprès de vos employés, vous verrez que, comme employeur, il y a beaucoup de choses que vous pouvez faire pour les aider sur ce front-là.
De plus, les études ont clairement démontré qu’en présence de risques psychosociaux, les employés en ressentiront les effets néfastes quand même, sans égard à leur historique de santé psychologique. Nous ne sommes donc pas uniquement devant une affaire de force ou de faiblesse. La résilience de vos gens aide très certainement, ainsi que les facteurs de protection. Mais ça n’arrange pas tout.
Jordan Friesen prend l’analogie suivante : même si vos employés portent un casque de protection, s’ils reçoivent en continu des briques sur la tête, ils ne sont pas à l’abri de tout dommage.
En matière de risques psychosociaux, l’inaction coûte cher.
Déjà avant la pandémie, la santé psychologique était un gros problème.
Les congés de maladie pour santé mentale sont 2 fois plus coûteux que ceux pour santé physique. Un congé pour maladie mentale dure en moyenne 65 jours ouvrables et coûte 18 000$. Un congé pour santé physique dure en moyenne 32 jours ouvrables et coûte 9 023$ (Les Affaires, 2011).
Les problèmes de santé mentale en milieu de travail coûtent aux entreprises canadiennes près de 14 % de leurs profits annuels nets, soit jusqu’à 16 milliards de dollars annuellement (Great-West, 2017).
Au Canada, les problèmes de santé mentale constituent la 1ère cause des absences au travail parmi les maladies chroniques (Mental Health Commission, 2010).
Également, le nombre de lésions attribuables au stress en milieu de travail a augmenté de 24,4 %, passant de 973 en 2014 à 1 210 en 2017 (CNESST, 2020)
La bonne nouvelle (il y en a une), c’est qu’il y a beaucoup de bénéfices à s’occuper des risques psychosociaux :
Diminution de l’absentéisme et du taux de roulement
Diminution des coûts d’invalidité court terme et long terme et CNESST
Augmentation de la satisfaction et de la rétention (si vous êtes aux prises avec la pénurie de main d’œuvre, vous y travaillez probablement déjà)
Augmentation de la performance générale
Meilleur climat de travail
Relations interpersonnelles sur le milieu de travail plus fluides et plus satisfaisantes
Également, selon une étude de Biron et coll de juin 2020 :
« Les répondants qui travaillent au sein d’une organisation qui accorde une haute priorité à la santé psychologique s’en tirent mieux que le reste de l’échantillon : ces organisations comptent 24% moins de personnes qui déclarent être en détresse élevée et 12% plus de travailleurs qui se qualifient de hautement performants ».
Je vous l’avais dit que j’avais de bonnes nouvelles !
Bon ! Comment on fait ça ?
Ne nous faisons pas de cachette : s’attaquer aux risques psychosociaux, ce n’est pas simple. J’accompagne mes clients sur ce chemin depuis quelques années: je peux vous dire qu’il s’agit du fruit d’une démarche planifiée et que ça prend une bonne dose de courage et de lucidité.
Également, ces risques et leurs actions ont des ramifications jusque dans beaucoup de processus dits «RH»: formation, développement des compétences, promotion, processus d’accueil, organisation du travail, sens au travail, justice organisationnelle sous toutes ses formes, développement du leadership, communication, gestion des conflits, etc. Éventuellement, on braquera aussi les projecteurs sur la culture de l’organisation.
Mais voici quelques clés, pour commencer :
Retenez qu’on s’occupe des risques psychosociaux en soignant le travail et les conditions dans lequel il s’accomplit.
Agir sur les RPS, c’est également offrir des emplois de qualité qui font du sens et qui soutiennent une saine performance à long terme, autant des individus que de l’organisation.
La toute première étape de ce processus, c’est l’engagement clair et visible de la haute direction sur ce chemin. Pas d’attentes claires = pas de résultats.
Également, comme la recette du stress est personnelle et que les études démontrent également que les gestionnaires sous-estiment systématiquement les risques, il faut voir avec vos employés les tendances présentes dans l’équipe ou sur votre milieu de travail, au niveau des stresseurs et des irritants.
Ensuite, il faut voir à former vos gestionnaires à ces risques et aux manières de les pulvériser. Ce sont eux qui gèrent l’équipe : leurs décisions, leur façon de gérer à la fois le travail et le travail d’équipe, leur manière d’être à l’écoute de leurs employés ont énormément d’incidence sur la présence ou l’absence de certains risques psychosociaux.
Pour trouver les solutions et passer à l’action, il faut continuer à parler de santé psychologique avec vos employés et à créer le climat de partage et d’ouverture nécessaire à la recherche de solutions avant de frapper le mur.
Il faut aussi savoir que les risques s’influencent les uns les autres.
Il y a des combos toxiques. Plusieurs études ont démontré qu’une demande de travail élevée conjuguée à un faible soutien social et une faible latitude décisionnelle augmente significativement le risque de détresse psychologique, de troubles physiques et psychologiques.
Il faut donc les attaquer à la façon d’un clan de lions à l’assaut d’un troupeau d’antilopes : sur plusieurs fronts, avec plusieurs proies dans le viseur.
On crie haro également sur toute forme de harcèlement et de violence.
Comme la résilience se bâtit aussi avec les habitudes de vie et de travail, s’intéresser à la santé globale de vos employés est aussi une autre brique à rajouter dans les fondations.
Mais, s’il faut nommer la plus petite action que vous pourriez faire aujourd’hui :
Assoyez-vous avec vos professionnels RH et ouvrez officiellement la saison de la chasse aux irritants vécus par vos employés, ce qui les fait grincer des dents : ce conflit latent, cette surcharge de travail, cette micro-gestion, cet outil ou cette tâche à faible valeur ajoutée, cet horaire impossible, ces imprévus, etc.
Laissez-les vous montrer le chemin, vous irez loin.
Mon nom est Marie-Eve Champagne, je suis spécialiste en Santé Sécurité Mieux-Être au travail et j'aide les gens à mieux travailler depuis près de 15 ans.
Besoin de passer à l’action pour améliorer votre prise en charge des risques psychosociaux?
Voyez notre accompagnement Santé psychologique!
Références:
CNESST en bref : https://www.cnesst.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/cnesst-en-bref-annee-2020.pdf
VÉZINA, M. et coll, «R-691 - Enquête québécoise sur des conditions de travail, d'emploi et de santé et de sécurité au travail (EQCOTESST)», Québec, IRSST, 2011, http://www.irsst.qc.ca/publications-et-outils/publication/i/100592/n/enquete-quebecoise-conditions-travail-emploi-sst-eqcotesst-r-691/redirected/1
TOWERS WATSON, « Les investissements dans la santé des employés génèrent une plus grande productivité», Canada, 21 novembre 2011, https://www.towerswatson.com/fr-CA/Press/2011/11/Les-investissements-dans-la-sante-des-employes-generent-une-plus-grande-productivite
Vézina, M., C. Chénard, M.-M. Mantha-Bélisle et le Groupe scientifique sur l’impact des conditions et de l’organisation du travail sur la santé de l’INSPQ «Grille d’identification de risques psychosociaux du travail», Institut National de la Santé Publique du Québec, 2016
Commission de la santé mentale au Canada (CSMC) : SROUJIAN, C. (2003). Mental health is the number one cause of disability », Insurance Journal, août, p. 8.
DANSEREAU, Suzanne «Employeurs : la santé mentale, c’est aussi votre problème!» Dewa, Chau and Fermer - Examining the comparative incidence and costs of physical and mental health-related disabilities in and employed population. JOEM, 2010;52;758, Les Affaires, 19 février, 2011
DAVEZIES, Philippe «Le stress au travail: entre savoirs scientifiques et débat social», Performances. Stratégies et facteur humain, no 1, 2001, 4-7