Urgences-Santé: pairs aidants et culture organisationnelle à la rescousse

Au cœur de la tempête pandémique, un groupe d’intervenants fait figure de proue dans l’intervention d’urgence. Les paramédicaux d’Urgence-Santé seront parmi les premiers à frapper à votre porte si besoin est. Mais s’ils prennent soin de tout un chacun, qui prend soin d’eux ?

L’équipe des ressources humaines, menée d’une main de maitre par Mathieu Campbell, s’activait déjà bien avant la pandémie afin de supporter leur santé de toutes les façons étant à leur portée.

En octobre dernier, la Corporation d’Urgences-Santé a remporté le prix reconnaissance décerné par l’Ordre des CRHA du Québec, dans la catégorie Santé Mieux-Être.

J’ai eu la chance de m’entretenir avec Mathieu Campbell, afin d’en savoir plus sur sa vision de la Santé Sécurité Mieux-Être au travail et ce qu’Urgences-Santé mettait en place pour ses équipes d’urgences et ceux les supportant.

Et parce que chez Nucléi, on aime tellement mettre en lumière des beaux success story !

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Peux-tu nous résumer ton parcours en quelques lignes ? On aimerait en savoir plus sur toi !

Diplômé  d'un baccalauréat de l’université de Montréal en relations industrielles et d'une maîtrise en santé et sécurité du travail. J’ai débuté ma carrière RH dans le secteur pharmaceutique et me suis rapidement joint au secteur pré hospitalier où je pratique depuis 11 ans avec la plus grande admiration et le plus grand respect pour les intervenants de ce milieu.

Je suis spécialisé en Santé, sécurité et mieux être et j’ai occupé des fonctions de conseiller et chef de service. Il y a 2 ans, j’ai décidé de poursuivre ma carrière en prenant la tête de la Direction des ressources humaines de la Corporation d’Urgences-Santé, tout en demeurant actif dans le domaine SST, tant au sein de mon organisation qu’à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, à titre de chargé de cours.

Récemment, j’ai également été affecté temporairement comme Directeur général adjoint des directions administratives, une autre expérience qui me fait grandir! Finalement, j’ai eu la chance de participer à divers projets comme la rédaction de la norme CSA Z-1003.1-18 Santé et sécurité psychologiques dans les organismes de services paramédics, capsules vidéo à l’Ordre des CRHA ou encore, la présentation de conférences dans le cadre d’un congrès organisé par l’Université Hassan II de Casablanca au Maroc. 

Peux-tu nous donner ta vision de la Santé Mieux-Être, dans tes mots ?

Pour moi, la Santé Mieux-Être se rattache avant tout au rapport que je qualifie « Human to Human ». Je dis toujours à mes étudiants de ne pas oublier que gérer la santé mieux-être, c’est interagir avec et pour des humains, pas uniquement des processus et des règles à respecter!

Après tout, sur un ton plus officiel, c’est un ensemble de stratégies mises de l’avant qui visent à favoriser l’émergence d’une culture organisationnelle durable axée sur la prise en charge diligente, partagée et performante de la santé, de la sécurité et du mieux-être au travail où chaque personne, empreint par un environnement sain et une bonne santé globale, pourra pleinement contribuer à la réalisation de la mission de l’organisation.

Gracieuseté de Corporation Urgences-Santé

Gracieuseté de Corporation Urgences-Santé

L’équipe d’Urgences-Santé, représentée par toi, a remporté le 28 octobre dernier le prix reconnaissance de l’Ordre des CRHA dans la catégorie Santé Mieux-Être – félicitations !

Quelles sont les initiatives qui ont menées à une telle distinction ? Peux-tu nous en dire plus sur ce prix ?

Tout d’abord merci! En 2016, avant mon arrivée, l’organisation avait planché sur l’importance de mettre un programme de prévention, mais le contenu et le projet demeurait à être construit. Plusieurs tentatives n’avaient pas connus les résultats souhaités précédemment.

Or, je me souviens que dès mon premier jour à Urgences-Santé comme chef de service, on me transférait ce mandat. Après une première rencontre avec la psychologue Josée Coulombe qui venait elle-même de se joindre, on décide de revoir complètement la stratégie et nous avons soumis à la direction un projet d’envergure! Tant le comité de direction que le conseil d’administration ont adhéré et nous avons ainsi mis en place l’équipe de projet afin de déployer une série d’initiatives adressant le stress post-traumatique, le stress opérationnel et le mieux-être global, particulièrement chez les paramédics et les répartiteurs médicaux d’urgence.

Nous avons notamment introduit un programme de pairs aidants formés à utiliser les « Premiers soins psychologiques », un protocole adapté pour notre réalité opérationnelle.

En complément, nous avons introduit des mesures visant l’embauche, le traitement par des experts, la formation en matière de gestion du stress et la résilience, le soutien des proches et la sensibilisation aux saines habitudes en santé mentale. On a également adressé la stigmatisation à l’égard du stress post-traumatique et des troubles de santé mentale.

Ces initiatives, pourquoi les avez-vous mises en place ? Y’a-t-il un moment de réalisation, de point de non-retour pour l’organisation ?

À mon avis, les « piquets » se sont plantés progressivement au cours des 4 dernières années.

Nous avons lancés le programme dans un contexte de crise interne qui nécessitait un soutien immédiat à nos employés. Cette journée-là, mon gestionnaire me demande de me tourner vers une firme spécialisée pour assurer le service.

Je me suis alors tourné vers notre « psy » en lui demandant si elle et son équipe de pairs aidants étaient prêtes à intervenir. Elle m’a répondu oui. J’ai donc refusé de donner suite à la demande de mon gestionnaire et nous avons déployés les pairs aidants. Malgré les circonstances, l’aide a été adéquate et a répondu au besoin des employés.

Cette journée-là, comme gestionnaire, j’ai su que j’avais pris la bonne décision et que l’organisation avait adopté la bonne stratégie.

De façon quotidienne, les mesures se déploient et s’intègrent à nos opérations. Nous avons convenu comme organisation que d’offrir le soutien nécessaire à l’employé en difficulté suivant une intervention difficile, c’est aussi important que de prendre soin de la population de Montréal et Laval.

« No excuses »: si on lève le « flag », on intervient.

Au fil des années, on remarque des résultats intéressants comme  une réduction de la durée de l’invalidité de 30% et la réduction des récidives. Mais surtout, on perçoit une véritable satisfaction du soutien offert. Il reste encore du travail à faire. D’ailleurs, nous participons à une étude du Centre du trauma afin d’améliorer nos stratégies! Une autre démonstration du souhait de l’organisation à pérenniser un tel programme.

Et finalement, la distinction reçue par l’Ordre des CRHA permet de mobiliser plus que jamais l’organisation à poursuivre le travail.

Quels ont été les principaux obstacles sur votre route ? Comment les avez-vous surmontés ?

Notre principal obstacle était la méfiance des employés par rapport aux tentatives antérieures. Au début, les gens disaient à Josée : « vous êtes bien gentille madame mais ça ne fonctionnera jamais ». En 4 ans, c’est un véritable changement de culture qui s’est opéré. À mon avis, c’est un élément marquant qui fait en sorte que nous sommes à un point de non-retour!  

J’ai toujours dit que pour surmonter cet obstacle, il nous fallait convaincre les gens un par un par les actions concrètes que nous déployons. Jusqu’à maintenant, ça fonctionne et il demeure sans doute des gens à convaincre. Nous le ferons!

Nous avons également eu à s’ajuster avec certains collaborateurs mais aujourd’hui, je considère que nous collaborons tous pour le même objectif. Je dois mentionner que des acteurs syndicaux ont fait confiance à nos initiatives. Je dois les remercier pour ça!

Formation de pairs aidants - Gracieuseté de Corporation Urgences-Santé

Formation de pairs aidants - Gracieuseté de Corporation Urgences-Santé

Finalement, l’autre préoccupation était qu’un programme comme celui-ci requiert une expertise spécifique, mais ne repose pas sur l’implication de quelques personnes. On a veillé à planifier une transition avec les responsables du projet.

Maintenant, Hélène Brouillet prend le relais! J’ai également « passé la puck » à ma collègue Mélanie Daigneault, cheffe du Service Santé Mieux-être. J’ai pleinement confiance en eux et l’équipe de pairs aidants!

Peux-tu me parler du fonctionnement du programme de pairs aidants ?

À partir de notre gestion des événements opérationnelles qui cible des interventions à risque ou principalement lorsque l’intervenant le requiert, on assure la présence dans les meilleurs délais d’un pair aidant qui rencontre l’employé. C’est à ce moment qu’ils peuvent soutenir leur collègue par l’approche des premiers soins psychologiques recommandées par les experts internationaux en matière de stress et de trauma pour les intervenants d’urgence.

Les pairs aidants sont formés pour:

  • Dépister les employés vivant des difficultés ou de la détresse psychologique et leur offrir du soutien;

  • Intervenir à la suite d’une intervention considérée à stress élevé à la demande d’un collègue;

  • Procéder à un suivi dans les 24 h à 48 h suivant l’intervention à stress élevé pour s’assurer que le collègue récupère bien.

Également, tous les employés ayant rempli une déclaration d’incident à stress élevé, mais qui n’ont pas souhaité la présence d’un pair aidant, sont tout de même contactés par la psychologue d’Urgences-Santé qui procède également à un suivi dans les 24 h à 48 h suivantes pour vérifier la récupération des employés.

Pour en savoir plus, nous avons une section spécifique sur notre site web pour les familles et les proches des employés d’Urgences-Santé. Une vidéo présente le programme.

Selon toi, quels ont été les principaux facteurs de succès ?

Ils sont nombreux mais je mentionnerais ceux-ci :

  • L’expertise d’une psychologue spécialisée

  • L’implication des pairs aidants (je ne le dirai jamais assez, c’est une gang extraordinaire), du Service Santé Mieux-être et également, des directions opérationnelles

  • L’adhésion de la direction, du CA et des employés

  • La reconnaissance du syndicat envers le programme

Tu vois, un succès corporatif, une histoire d’équipe!

Certain que je vois ! Et c’est pas rien !

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Mathieu, en terminant, la Santé Mieux-Être a le vent dans les voiles en ce moment et suscite beaucoup d’intérêt, surtout chez les jeunes membres de notre profession.

Toi qui es chargé de cours à l’université, as-tu un message qui te tient à cœur de mentionner?

Soyez visionnaires et convaincants. C’est vous qui pouvez moderniser l’approche en santé mieux-être! J’ai débuté en prenant de l’expérience et ensuite, j’affirme ma vision de la santé, sécurité et du mieux-être.

Proposez des politiques qui seront le levier d’un changement de culture, que vous pourrez plaider à chaque fois qu’on tente de revenir en arrière. Et n’oubliez jamais, appliquer la philosophie « HUMAN TO HUMAN ».

Si vous faites les choses pour les bonnes raisons, vous serez récompensés mais surtout, fier de vous-mêmes!

Merci beaucoup Mathieu de ton temps ! Pour connecter avec lui sur LinkedIn, cliquez ici.


Mon nom est Marie-Eve Champagne, je suis spécialiste en Santé Sécurité Mieux-Être au travail et j'aide les gens à mieux travailler depuis près de 14 ans.

Vous aussi, vous avez mis en place des initiatives innovantes en Santé Sécurité Mieux-Être ? Écrivez-moi directement ici. On veut vous entendre !

Lectures additionnelles:

Accident mortel sur la 440: deux paramédicaux racontent leur choc post-traumatique: cliquez ici.

La santé psychologique chez Urgences-Santé (vidéo d’explication): cliquez ici.