Le premier lundi de septembre, c'est un congé férié rémunéré, pour la Fête du Travail. Dernier long week-end estival, il marque la fin «officielle» de l'été. Le calendrier des vacances est derrière nous. C'est l'occasion de s'adonner une dernière fois aux plaisirs de l'été. Passé cette date, les foires, piscines municipales, plages publiques, campings et autres attractions estivales fermeront leurs portes, pour la plupart.
C'est la rentrée scolaire, les journées raccourcissent. Les températures plus fraîches se prêtent à la cueillette de pommes en famille et aux randonnées pédestres pour admirer les couleurs changeantes des arbres. L'Action de Grâce et l'Halloween se profilent à l'horizon. Bref, l'automne est à nos portes, déjà !
C’est toujours apprécié, une journée de congé, mais pourquoi fêter le Travail ? On lui donne pas déjà assez de jours dans une année pour que ça lui suffise comme attention ?
Pour comprendre un peu plus, on retourne au début du siècle, si vous le voulez bien !
La Fête du Travail trouve son origine dans la grève des imprimeurs torontois en 1872, qui ont réussi à obtenir une journée de travail de seulement 9h. Cela déclenche tout un mouvement ouvrier de revendications, notamment pour des heures de travail réduites. Une journée de travail normale à cette époque est de 10 heures...Ouch !
C’est le 23 juillet 1894 que le gouvernement du premier ministre John Thompson promulgue une loi qui officialise la fête du Travail le 1er lundi de septembre.
Côté conditions de travail, c'est le jour et la nuit avec notre époque:
Les travailleurs ne sont payés ni pour les jours chômés ni pour les jours fériés (qui sont seulement au nombre de deux : Noël et Pâques). La St-Jean-Baptiste ne fera son entrée officielle au calendrier qu'en 1977.
La main d’œuvre est abondante et bon marché : il n’y a aucune sécurité d’emploi. Les salaires sont très bas et en cas de perte d’emploi, aucun préavis n’est versé.
Les amendes et retenues sur salaire pour mauvaise conduite, retard, bris, querelles, insubordination et autres prétextes sont monnaies courantes. Imaginez une seconde ! Si vous étiez en retard, non seulement on ne vous payait pas pour le temps manqué, mais en plus on retenait une portion du salaire durement gagné cette semaine-là !
Le taux de syndicalisation est très faible. Il passe de 2,2% à 11,41% de 1911 à 1921. C’est un mouvement progressiste qui nous vient des États-Unis et seuls quelques corps de métiers (comme les mineurs et les travailleurs de l’acier) le sont.
Peu de gens vivent dans l'abondance : les 2/3 des travailleurs des villes vivent en état de pauvreté. Les femmes et les enfants doivent donc travailler aussi afin de subvenir aux besoins de tous.
La Loi sur le salaire minimum des femmes n’est pas encore adoptée (effective en 1925). Les femmes n’ont pas le droit de vote non plus d’ailleurs (elles l’obtiendront en 1942).
Les enfants forment 8% de la main-d'oeuvre au Québec en 1891. Ils occupent des tâches adaptés à leur petite taille, comme aller sous les machines ou se glisser dans de petits endroits. Ils commencent à travailler aussi tôt que douze ans, car la loi interdit aux patrons d’usines d'employer des garçons de moins de douze ans et les jeunes filles de moins de 14 ans. Taux de scolarisation : très faible, on s'en doute... Maintenant, il faut être âgé de 16 ans pour travailler légalement durant les heures de classe, sans égard au genre.
Oubliez la SST: les milieux de travail sont mal chauffés, mal éclairés et mal ventilés. Il n’y a pas de formation, la notion de contaminants n’existe pas et une des principales causes d’accidents mortels sont les machines, qui happent et broient les travailleurs qui se montrent imprudents. L'ergonomie ? Pff! Connais pas !
L’Acte des manufactures est en vigueur et quelques inspecteurs du travail vont d’usine en usine. Toutefois, avant 1909, si un employé blessé veut être indemnisé, il doit poursuivre son employeur devant les Tribunaux et fournir les preuves en lien avec l'événement. La CNESST n'existe pas encore. La première Loi sur l'indemnisation fera son entrée en 1910. La Loi sur les Accidents de Travail et les maladies professionnelles comme on la connait actuellement n'arrivera qu'en 1985.
Bref, on en a fait du chemin depuis cent ans ! Les mentalités ont beaucoup changées et avec elles, la législation.
Quand je regarde le tout, je me dis que ce n'est pas superflu de prendre un temps d'arrêt pour apprécier ce qu'on a mais aussi se demander: de quoi demain sera fait ?
Les changements s'accélèrent tous les jours: l'intelligence artificielle, la robotisation, les changements climatiques, les variations économiques, les luttes sociales et autres changent rapidement le visage des activités professionnelles, nous mettant constamment en état d'adaptation.
Mais pour l'instant, restons-en là. Bonne Fête du Travail à tous !
Mon nom est Marie-Eve Champagne, je suis spécialiste en Santé Sécurité Mieux-Etre au travail et j'aide les gens à mieux travailler depuis plus de 12 ans.
Pour en savoir plus :
PALMER, B.D., MCCALLUM, T., DAVID, F., ROUILLARD, J., Histoire des travailleurs – L’Encyclopédie canadienne, dernière mise à jour : 03/04/2015, URL : https://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/histoire-des-travailleurs/
MARSH, J.H., BISHOP, P., Origine de la Fête du travail - L’Encyclopédie canadienne, dernière mise à jour : 02/22/2016, URL : https://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/origines-de-la-fete-du-travail-les/
Les premières actions du Québec contre les accidents du travail, Radio-Canada, mercredi 15 mars 2017 URL : https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/18435/histo-accidents-travail-ouvriers-quebec-19e-siecle
Site de la CNESST, section Historique : http://www.cnesst.gouv.qc.ca/a-propos-de-la-CNESST/structure_organisation/Pages/historique.aspx